— Plus lentement, dit la jolie femme avec un petit rire. Vous n’êtes pas mortel ? De quelle planète êtes-vous donc ?
— Vénus, répondis-je en lui souriant de nouveau. La planète de l’amour. »
Elle m’examinait sans retenue et une légère rougeur monta à ses petites joues blanches.
« Eh bien, pourquoi ne pas rester là jusqu’à ce que je parte ? Vous pourrez me raccompagner.
— Très certainement », dis-je. Là-dessus, la signification possible de ses propos m’envahit en produisant chez moi le plus curieux effet. Peut-être pourrais-je coucher avec cette femme. Ah ! mais oui, en ce qui la concernait, c’était assurément une possibilité. Mon regard descendit jusqu’aux deux petits boutons de seins qui pointaient de façon si attirante à travers la soie noire de sa robe. Eh oui ! pensai-je, coucher avec elle, et comme semblait douce la chair de son cou.
L’organe s’agitait entre mes jambes. Allons, songeai-je, il y a quand même quelque chose qui marche. Mais combien cette sensation était étrangement locale. Ce durcissement et ce gonflement, et la façon bizarre dont cela consumait toutes mes pensées. Le besoin de sang n’était jamais local. Je regardai fixement devant moi. Je ne baissai pas les yeux quand on déposa à ma place une assiette de spaghettis avec une sauce bolonaise. Le chaud parfum monta jusqu’à mes narines : du fromage moisi, de la viande brûlée et de la graisse.
Descends, disais-je à l’organe. Ce n’est pas encore l’heure. Je finis par baisser mon regard jusqu’à l’assiette. La faim grinçait en moi comme si quelqu’un me tenait les intestins à deux mains et les tordait. Me souvenais-je d’une pareille sensation ? Dieu sait que j’avais eu faim dans ma vie mortelle. La faim était comme la vie même. Mais le souvenir m’en semblait si lointain, si dénué d’importance. Lentement je pris la fourchette, dont je ne m’étais jamais servi en ce temps-là, car il n’y avait dans notre monde grossier que des cuillers et des couteaux – et en plongeant les dents sous l’amoncellement de spaghettis détrempés, j’en soulevai un tas jusqu’à ma bouche.
Avant même que les pâtes me touchent la langue, je savais que c’était trop chaud, mais je ne m’arrêtai pas assez vite. Je me brûlai méchamment et laissai tomber la fourchette. Allons, me dis-je, c’est de la pure stupidité, et c’était peut-être mon quinzième geste de pure stupidité. Que devais-je faire pour aborder les situations avec plus d’intelligence, de patience et de calme ?
Je me rassis sur le tabouret inconfortable, pour autant qu’on puisse se livrer à cet exercice sans tomber par terre, et j’essayai de réfléchir.
Je m’efforçais de faire fonctionner ce corps nouveau, plein de faiblesse et sensations inhabituelles – des pieds péniblement froids, par exemple, des pieds mouillés dans un courant d’air qui passait au ras du sol – et je commettais, comme il fallait s’y attendre, de stupides erreurs. J’aurais dû prendre les caoutchoucs. J’aurais dû trouver un téléphone avant de venir ici pour appeler mon agent de Paris. Je ne raisonnais pas, me comportant obstinément comme si j’étais un vampire alors que je ne l’étais plus.
De toute évidence, cette nourriture fumante ne m’aurait pas brûlé dans ma peau de vampire. Mais je n’étais pas dans ma peau de vampire. C’est pourquoi j’aurais dû prendre les caoutchoucs. Réfléchis donc un peu !
Comme cette expérience était loin de ce à quoi je m’attendais. Oh ! mon Dieu oui ! Dire que j’étais là à parler de réfléchir quand j’avais cru que j’en savourerais chaque instant. Ah ! je m’étais imaginé que j’allais plonger dans des sensations, dans des souvenirs, dans des découvertes ; et maintenant tout ce que je pouvais faire c’était penser à ce que je pourrais éviter !
À la vérité, j’avais envisagé le plaisir, toute une variété de plaisirs : manger, boire, une femme dans mon lit, puis un homme. Jusqu’à maintenant rien de ce dont j’avais fait l’expérience n’était même vaguement agréable.
Oh ! j’étais le seul à blâmer de cette triste situation, et je pouvais la modifier. Je m’essuyai la bouche avec ma serviette, un bout rugueux de fibre artificielle, pas plus absorbant qu’un morceau de toile cirée, puis je levai le verre de vin et le vidai une fois de plus. Une nausée me traversa. Ma gorge se serra, j’éprouvai même un vertige. Bonté divine, trois verres et j’étais ivre ?
Je soulevai de nouveau la fourchette. Les pâtes collantes avaient refroidi maintenant et j’en enfournai une bonne quantité dans ma bouche. Je faillis encore m’étrangler ! Ma gorge se ferma convulsivement, comme pour empêcher cette masse gluante de m’étouffer. Il me fallut m’arrêter, respirer lentement par les narines, me dire que ce n’était pas du poison, que je n’étais pas un vampire, et puis mâcher avec prudence l’horrible mélange pour ne pas me mordre la langue.
Mais je l’avais déjà fait tout à l’heure et voilà que ce bout de peau endolori commençait à me faire mal. La douleur m’emplit la bouche et elle était bien plus perceptible que le goût des aliments. Je n’en continuai pas moins à mâcher mes spaghettis tout en songeant à leur fadeur, à leur amertume, à leur goût salé et à leur horrible consistance, puis j’avalai le tout, ressentant de nouveau un pénible resserrement puis comme un nœud dur plus bas dans ma poitrine.
Si Louis était à ta place et si, comme le vieux vampire content de toi que tu es, tu te trouvais assis en face de lui à l’observer, tu lui reprocherais tout ce qu’il était en train de faire et de penser, tu prendrais en horreur ses airs craintifs, la façon dont il gâchait cette expérience et son manque de discrimination.
Je repris la fourchette. Je mâchai une autre bouchée et l’avalai. Ma foi, il y avait là une sorte de goût. Ce n’était tout simplement pas le goût délicieusement piquant du sang. C’était bien plus fade, plus sableux et plus collant. Allons, encore une bouchée. Je veux arriver à aimer ça. D’ailleurs, ce n’est peut-être pas de la très bonne cuisine. Une bouchée encore.
« Eh, doucement », dit la jolie femme. Elle se penchait contre moi mais, à travers le manteau, je n’arrivais pas à sentir sa juteuse douceur. Je me retournai et la regardai de nouveau dans les yeux, m’émerveillant de ses longs cils noirs incurvés, de la douceur de sa bouche quand elle souriait. « Vous engloutissez vos pâtes.
— Je sais. J’avais très faim, dis-je. Écoutez, je sais que ça paraît horriblement ingrat. Mais avez-vous quelque chose qui ne soit pas une grande masse coagulée comme ça ? Vous savez, quelque chose de plus coriace – de la viande, peut-être ? »
Elle éclata de rire. « Vous êtes l’homme le plus étrange que l’aie rencontré, dit-elle. Vraiment, d’où êtes-vous ?
— De France, je viens de la campagne, précisai-je.
— Bon, je vais vous apporter autre chose. »
Sitôt qu’elle fut partie, je bus un autre verre de vin. Je commençai à être un peu étourdi, mais j’éprouvai aussi une chaleur assez agréable. J’avais aussi une brusque envie de rire et je savais que j’étais un peu gris.
Je décidai d’étudier les autres humains de la salle. C’était si bizarre de ne pas pouvoir repérer leur odeur, si bizarre de ne pas pouvoir entendre leurs pensées. Je n’arrivais même pas vraiment à percevoir leurs voix, mais seulement un brouhaha confus. Et c’était si étrange d’avoir à la fois chaud et froid, ma tête flottant dans l’air surchauffé et mes pieds glacés par le courant d’air qui passait au ras du sol.
La jeune femme déposa devant moi une assiette de viande – du veau, me dit-elle. Je pris entre mes doigts une petite tranche, ce qui parut l’étonner – j’aurais dû utiliser le couteau et la fourchette – je mordis dedans et je constatai que ça n’avait pas grand goût, comme les spaghettis ; mais c’était meilleur. Plus propre, me sembla-t-il. Je mâchai d’assez bon appétit.
« Merci, dis-je, vous avez été très bonne avec moi. Vous êtes vraiment charmante et je regrette mes paroles désagréables de tout à l’heure. Je regrette vraiment. »
Elle paraissait fascinée et, bien sûr, j’en rajoutais un peu. Je jouais les doux, ce que je ne suis pas.
Elle m’abandonna pour pouvoir prendre l’addition d’un couple qui s’en allait et je revins à mon repas – mon premier repas de sable, de colle et de bouts de cuir fortement salés. Je me mis à rire tout seul. Encore un peu de vin, me dis-je, c’est comme si je ne buvais rien, mais ça fait de l’effet.
Après avoir débarrassé, elle m’apporta une autre carafe. Et je restai assis là, dans mes chaussettes et mes chaussures mouillées, glacé et mal assis sur mon tabouret, écarquillant les yeux pour voir dans la pénombre et m’enivrant de plus en plus tandis qu’une heure s’écoulait, puis elle fut enfin prête à partir.
Je ne me sentais pas mieux à ce moment-là que quand tout avait commencé. À peine étais-je descendu de mon tabouret que je me rendis compte que je pouvais à peine marcher. Je n’avais plus aucune sensation dans les jambes. Je devais baisser les yeux pour être sûr qu’elles étaient toujours là.
La jolie femme trouva ça très drôle. Moi, je n’en étais pas si sûr. Elle m’aida à marcher sur le trottoir enneigé, s’adressant avec beaucoup d’égards à Mojo qu’elle appelait simplement « chien » et m’affirma qu’elle habitait « à deux pas ». Le seul bon côté de tout cela, c’était que le froid me gênait moins.
Je n’étais vraiment pas dans mon assiette. J’avais maintenant les jambes totalement en plomb. Même les objets les plus brillamment éclairés étaient flous. J’avais mal à la tête. J’étais certain que j’allais tomber. En fait, la peur de faire une chute tournait à la panique.
Mais par bonheur nous arrivâmes à sa porte et elle me fit monter un étroit escalier recouvert de moquette – une ascension qui me laissa si épuisé que mon cœur battait à tout rompre et que j’avais le visage baigné de sueur. Je ne voyais presque rien ! C’était de la folie. Je l’entendis mettre sa clé dans la serrure.
Une nouvelle et abominable odeur m’attaqua les narines. Ce petit appartement sinistre semblait une garenne de carton et de contre-plaqué, avec des affiches que je distinguais mal couvrant les murs. Qu’est-ce qui pouvait expliquer cette odeur ? Je compris soudain qu’elle venait des chats qu’elle gardait là et qu’on laissait se soulager dans un plat de sciure. J’aperçus la boîte pleine d’excréments de chats posée sur le sol d’une petite salle de bains dont la porte était ouverte et je crus vraiment que c’était la fin, que j’allais mourir ! Je restai immobile, faisant un grand effort pour m’empêcher de vomir. J’éprouvais une douleur qui me tenaillait le ventre, ce n’était pas la faim cette fois et ma ceinture me serrait douloureusement.
La douleur s’accentuait. Je me rendis compte que j’allais devoir me livrer à une opération comparable à celle qu’avaient déjà effectuée les chats. À vrai dire, il me fallait le faire maintenant ou me couvrir de honte. Et c’était précisément dans cette pièce que je devais entrer. J’avais le cœur au bord des lèvres.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle. Vous êtes malade ?
— Je peux utiliser cette salle de bains ? dis-je en désignant la porte ouverte.
— Naturellement, fit-elle. Allez-y. »
Dix minutes, peut-être plus, passèrent avant que je ressorte. J’étais si profondément écœuré par le simple processus d’élimination – par l’odeur, la sensation, la vue de tout cela – que j’étais incapable de parler. Mais c’était fini, terminé. Il ne me restait plus que l’ivresse, la déplaisante expérience de chercher le commutateur et de le manquer, d’essayer de tourner le bouton de porte, de voir ma main – cette grosse main brune – passer à côté.
Je trouvai la chambre très douillette et encombrée de médiocre mobilier moderne en matière plastique et sans style particulier.
La jeune femme, maintenant entièrement nue, était assise au bord du lit. J’essayai de la voir clairement malgré les distorsions provoquées par la lampe de chevet. Mais son visage n’était qu’une masse de vilaines ombres et sa peau avait l’air jaunâtre. Elle baignait dans l’odeur de renfermé qui montait du lit.
La seule conclusion à laquelle je pus parvenir à son sujet c’est qu’elle était ridiculement maigre, – comme les femmes ont tendance à l’être de nos jours –, que tous les os de ses côtes se devinaient à travers la peau laiteuse, qu’elle avait des seins d’une petitesse presque anormale avec de délicats petits boutons roses et qu’elle n’avait tout simplement pas de hanche. On aurait dit une apparition. Pourtant elle était assise là, souriant, comme si c’était normal, avec ses jolis cheveux dont les longues mèches pendaient sur son dos, tandis qu’elle cachait sous une petite main timide l’ombre de son pubis.
Allons, il n’y avait pas de doute quant à la merveilleuse expérience humaine qui m’attendait. Mais je n’éprouvais rien pour elle. Rien du tout. Je souris et commençai à me déshabiller. J’ôtai mon manteau et tout de suite j’eus froid. Pourquoi n’avait-elle pas froid ? J’ôtai alors mon chandail et je fus aussitôt horrifié par l’odeur de ma propre sueur. Doux Seigneur, était-ce vraiment comme ça avant ? Et ce corps que j’occupais m’avait semblé si propre.
Elle ne parut rien remarquer. Je lui en fus reconnaissant. Je me débarrassai alors de ma chemise, de mes chaussures, de mes chaussettes et de mon pantalon. J’avais encore les pieds glacés. En fait, j’avais froid et j’étais nu, tout nu. Je ne savais pas si j’aimais cela ou non. Je me vis soudain dans le miroir au-dessus de la coiffeuse et je constatai que ce maudit organe était bien sûr totalement ivre et endormi.
Une fois de plus, elle n’eut pas l’air surpris.
« Viens ici, dit-elle. Assieds-toi. »
J’obéis. Je frissonnais de partout. Puis je me mis à tousser.
Ce fut d’abord un spasme qui me prit complètement au dépourvu. Puis suivit une quinte incontrôlable et qui finit si violemment que je sentis autour de mes côtes comme un cercle douloureux.
« Je suis désolé, lui dis-je.
— J’adore ton accent français », murmura-t-elle. Elle me caressa les cheveux et laissa ses doigts me griffer légèrement la joue.
Voilà qui était une sensation agréable. Je penchai la tête et l’embrassai sur la gorge. Ma foi, c’était agréable aussi. Rien d’aussi excitant que de fondre sur une victime, mais ça n’était pas mal. J’essayai de me rappeler le temps, quelque deux cents ans auparavant où j’étais la terreur des filles du village. Il semblait toujours y avoir quelques fermiers à la grille du château pour me maudire et brandir son poing vers moi en me racontant que si sa fille était enceinte de mes œuvres, il faudrait que je fasse quelque chose ! Tout cela m’avait paru follement drôle à l’époque. Et les filles, oh ! les charmantes filles.
« Qu’y a-t-il ? demanda-t-elle.
— Rien », dis-je. J’embrassai de nouveau sa gorge. Je sentais aussi la sueur sur son corps et ça ne me plaisait pas du tout. Mais pourquoi ? Ces odeurs n’étaient en rien aussi fortes que celles que percevait mon autre corps. Elles avaient un rapport avec quelque chose qui émanait de ce corps : c’était le côté déplaisant de la chose. Je ne me sentais nullement protégé contre ces odeurs ; elles ne me paraissaient pas des parfums artificiels mais quelque chose qui pouvait m’envahir et me contaminer. Par exemple, la sueur de son cou était maintenant sur mes lèvres. Je le savais, j’en sentais le goût et j’avais envie de m’éloigner d’elle.
Ah ! mais c’est de la folie. Elle était une créature humaine et j’étais une créature humaine. Dieu merci tout cela serait fini vendredi. Mais quelle raison avais-je de remercier Dieu !
Ses petits bouts de seins me frôlèrent la joue, brûlants et pointus, et la chair derrière eux était tendre et souple. Je glissai mon bras sous le creux de ses reins.
« Tu es brûlant, je suis sûre que tu as de la fièvre », me dit-elle à l’oreille. Elle m’embrassa le cou comme je l’avais fait avec elle.
« Mais non, je vais très bien », dis-je. Mais je ne savais absolument pas si c’était vrai ou non. Rude travail en vérité que tout cela !
Sa main soudain toucha mon organe, ce qui me surprit et provoqua une excitation immédiate. Je le sentis s’allonger et durcir. C’était une sensation totalement concentrée, et qui pourtant me galvanisa. Je regardai alors ses seins et plus bas la petite toison triangulaire entre ses jambes, et mon organe devint encore plus dur. Oui, je me souviens fort bien de cela, mes yeux sont fixés là-dessus et rien d’autre ne compte maintenant. Allons, très bien. Il n’y a qu’à l’allonger sur le lit.
« Ouah ! murmura-t-elle. Quel équipement !
— Tu trouves ? » Je regardai. Cette chose monstrueuse avait doublé de volume. Elle semblait absolument hors de proportion avec tout le reste. « Oui, sans doute. J’aurais dû savoir que James s’en serait assuré.
— Qui est James ?
— Oh ! c’est sans importance », marmonnai-je. Je tournai son visage vers moi, j’embrassai cette fois sa petite bouche humide, sentant ses dents derrière ses lèvres minces. Elle les entrouvrit pour accueillir ma langue. C’était bon, même si sa bouche avait mauvais goût. Peu importait. Mais voilà que mon esprit se mit soudain à penser au sang. À boire son sang.
Où était la frénétique intensité qu’on éprouve en approchant la victime, à l’instant précis où mes dents vont déchirer la peau et où le sang va se répandre sur ma langue ?
Non, ça ne va pas être si facile ni si passionnant. Ça va se passer entre les jambes et ce sera plus comme un frisson, mais un frisson peu banal, avouons-le.
La seule idée du sang avait avivé ma passion et je la poussai sans douceur sur le lit. J’avais envie d’en finir, rien d’autre ne comptait qu’en finir.
« Attends une minute, fit-elle.
— Attendre quoi ? » Je la montai et l’embrassai de nouveau, enfonçant plus profondément ma langue en elle. Pas de sang. Ah ! qu’elle était pâle. Pas de sang. Mon organe glissa entre ses cuisses brûlantes et je faillis éjaculer. Mais ce n’était pas assez.
« J’ai dit attends ! cria-t-elle, ses joues s’empourprant. Tu ne peux pas le faire sans préservatif.
— Qu’est-ce que tu racontes ? » murmurai-je. Je connaissais la signification de ces mots, mais ils ne voulaient pas dire grand-chose pour moi. J’avançai ma main vers le bas, je sentis l’ouverture poilue, puis la fente humide qui me parut délicieusement étroite.
Elle me hurla de m’ôter de là et me repoussa des paumes de ses mains. Elle était toute rouge et me parut soudain belle dans sa violence et dans sa rage, et quand elle me repoussa du genou, je me plaquai contre elle puis ne me soulevai que juste le temps d’enfoncer l’organe en elle et de sentir tout autour de moi cette étroite et douce enveloppe de chair brûlante, ce qui m’arracha un râle.
« Non ! Arrête ! j’ai dit arrête ! » s’écria-t-elle.
Mais je ne pouvais pas attendre. Qu’est-ce qui pouvait bien lui faire croire que c’était le moment de discuter, me demandai-je, dans un élan de démence. Puis, dans un instant d’aveuglante excitation, la jouissance arriva. Ma semence jaillit de l’organe !
Un instant, c’était l’éternité ; l’instant suivant, tout était fini, comme si cela n’avait jamais commencé. Je gisais épuisé sur elle, trempé de sueur, bien sûr, et un peu agacé par le côté poisseux de toute l’affaire ainsi que par ses hurlements affolés.
Je retombai enfin sur le dos. Ma tête était douloureuse et toutes les mauvaises odeurs de la chambre s’épaississaient – les relents souillés montaient du lit, avec son matelas défoncé ; et l’odeur écœurante des chats.
Elle sauta à terre. On aurait dit qu’elle était devenue folle. Elle pleurait et frissonnait, elle saisit une couverture sur la chaise et s’en drapa tout en me hurlant de m’en aller, de m’en aller, de m’en aller.
« Qu’est-ce qui te prend ? » demandai-je.
Elle me lança une volée d’injures modernes. « Pauvre cloche, misérable imbécile, triple crétin, abruti ! » ce genre de choses. J’aurais pu lui passer une maladie, dit-elle. Et elle en énuméra de fait un certain nombre ; j’aurais pu la mettre enceinte, j’étais un monstre, un salaud, une ordure ! Je devais débarrasser le plancher aussitôt. Comment avais-je osé lui faire ça ? Que je parte avant qu’elle appelle la police.
Une vague de somnolence s’abattit sur moi. Malgré l’obscurité, j’essayai de concentrer mon regard sur elle. Puis monta en moi une brusque nausée plus violente que je n’en avais jamais éprouvé. Je fis un effort pour me maîtriser et ce fut seulement par un prodige de volonté que je parvins à ne pas vomir là et sur-le-champ.
Je finis par me redresser et par me mettre debout. Je la regardai plantée là en larmes et m’injuriant, et je m’aperçus tout d’un coup qu’elle était très malheureuse, que je lui avais vraiment fait mal et que d’ailleurs elle avait un vilain bleu sur le visage.
Je compris peu à peu ce qui s’était passé. Elle avait voulu que j’utilise un prophylactique et je l’avais pratiquement prise de force. Elle n’y avait pris aucun plaisir, seulement de la peur. Je la revis au moment de mon orgasme, se débattant contre moi et je me rendis compte qu’elle ne pouvait absolument pas comprendre que j’eusse savouré la lutte, sa rage et ses protestations, que j’eusse trouvé du plaisir à la conquérir. Mais, de façon bien mesquine, je crois que ç’avait pourtant été le cas. Tout cela me parut horriblement consternant. Cela m’emplissait de désespoir. Le plaisir même n’avait été rien ! Je ne peux pas supporter cette idée, me dis-je, pas un instant de plus. Si j’avais pu joindre James, je lui aurais offert une autre fortune rien que pour retrouver aussitôt mon corps. Joindre James… J’avais complètement oublié de trouver un téléphone.
« Écoutez, ma chère, dis-je je suis absolument désolé. Je ne sais pourquoi les choses ont pris une mauvaise tournure. C’est vrai. Je suis navré. »
Elle allait me gifler mais je lui saisis le poignet et lui abaissai la main non sans lui faire un peu mal.
« Va-t’en, répéta-t-elle. Va-t’en ou j’appelle la police.
— Je comprends ce que vous me dites. Cela faisait une éternité que je n’avais pas fait cela. J’ai été maladroit. J’ai été mauvais.
— Tu es pire que mauvais ! » fit-elle d’une voix rauque.
Et cette fois elle me gifla bel et bien. Je ne fus pas assez rapide. Je fus stupéfait par la violence de sa gifle, étonné de voir combien cela me brûlait. Je tâtai mon visage là où elle m’avait frappé. Quelle agaçante petite douleur. C’était une douleur insultante.
« Va-t’en ! » cria-t-elle encore.
J’enfilai mes vêtements, mais c’était comme soulever des sacs de briques. Une sourde honte m’avait envahi, une impression de telle maladresse et de tel inconfort dans le moindre geste que je faisais, dans le moindre mot que je prononçais que j’aurais voulu tout simplement me cacher sous terre.
J’eus enfin tout boutonné et fermé comme il fallait, je retrouvai sur mes pieds mes misérables chaussettes mouillées et mes fines chaussures et j’étais prêt à partir.
Elle était assise sur le lit, en larmes, les épaules très maigres, avec la tendre ossature de son dos pointant sous sa chair pâle et ses cheveux ruisselant en épaisse cascade sur la couverture qu’elle maintenait contre sa poitrine. Comme elle paraissait fragile – comme elle était tristement sans beauté et repoussante.
Je m’efforçai de la voir comme si j’étais vraiment Lestat. Mais je n’y parvenais pas. Elle me paraissait une créature commune, absolument indigne et sans aucun intérêt. J’étais vaguement horrifié. Était-ce ainsi dans le village de mon enfance ? J’essayai de me souvenir de ces filles, ces filles mortes depuis des siècles, mais je n’arrivais pas à voir leurs visages. Ce que je me rappelais, c’était le bonheur, des sottises, une grande exubérance qui m’avait fait oublier par moments mon existence vide et désespérée.
Qu’est-ce que cela signifiait en cet instant ? Comment toute cette expérience avait-elle pu être si déplaisante, si apparemment absurde ? Si j’avais été moi-même, je l’aurais trouvée fascinante comme peut l’être un insecte ; même son petit logis aurait semblé pittoresque dans ses détails les plus affreux et les plus sordides ! Ah ! l’affection que j’éprouvais toujours pour tous ces tristes petits habitats de mortels. Pourquoi en était-il ainsi !
Et elle, la pauvre créature, elle aurait été belle à mes yeux, simplement parce qu’elle était vivante ! Je n’aurais pas pu être souillé par elle si je m’étais pendant une heure abreuvé de son sang. Alors qu’au contraire, je me sentais immonde d’avoir été avec elle et immonde de m’être montré cruel à son égard. Je comprenais sa peur des maladies ! Moi aussi, je me sentais contaminé ! Mais où était la vérité ?
« Je suis absolument désolé, repris-je. Il faut me croire. Ce n’était pas ce que je voulais. Je ne sais pas ce que je voulais.
— Tu es fou, murmura-t-elle d’un ton amer sans me regarder.
— Un soir je viendrai vous voir, bientôt, et je vous apporterai un présent, quelque chose de beau dont vous aurez vraiment envie. Je vous l’offrirai et peut-être alors que vous me pardonnerez. » Elle ne répondit pas. « Dites-moi, de quoi avez-vous vraiment envie ? L’argent ne compte pas. Qu’est-ce que vous voulez que vous ne pouvez pas avoir ? »
Elle leva les yeux d’un air plutôt maussade, le visage rouge et marqué, puis elle s’essuya le nez du revers de la main.
« Tu sais bien ce que je voulais, dit-elle d’une voix rauque et déplaisante qui était presque asexuée tant elle était sourde.
— Non, je ne sais pas. Dites-moi. »
Elle était si défigurée et sa voix était si étrange qu’elle me faisait peur. J’étais encore abruti par le vin que j’avais bu auparavant, et pourtant l’ébriété avait laissé mon esprit intact. Voilà qui semblait une charmante situation : ce corps-ci était ivre, mais pas moi.
« Qui êtes-vous ? » demanda-t-elle. Elle avait un air très dur maintenant, dur et amer. « Vous êtes quelqu’un, n’est-ce pas… vous n’êtes pas simplement… » mais elle ne termina pas sa phrase.
« Si je vous le disais, vous ne me croiriez pas. »
Elle tourna encore plus la tête de côté, m’examinant comme si la révélation allait brusquement lui venir. Elle allait deviner. Je ne pouvais pas imaginer ce qui se passait dans son esprit. Je savais seulement que je la plaignais et qu’elle ne me plaisait pas. Je n’aimais pas cette chambre sale et désordonnée avec son plafond bas, ce lit affreux, l’horrible tapis marron, la lumière tamisée et le bac à sciure qui empestait dans l’autre pièce.
« Je me souviendrai de vous, dis-je lamentablement mais avec une certaine tendresse. Je vous ferai la surprise. Je reviendrai et je vous apporterai quelque chose de merveilleux, quelque chose que vous ne pourriez pas vous procurer vous-même. Comme si c’était un cadeau d’un autre monde. Mais pour l’instant, il faut que je vous quitte.
— Oui, fit-elle, il vaut mieux que tu t’en ailles. »
Je me retournai pour faire précisément cela. Je pensai au froid dehors, à Mojo qui attendait dans le vestibule, à l’hôtel particulier avec la porte de derrière arrachée de ses gonds, et moi qui me retrouvais sans argent ni téléphone.
Ah ! oui, le téléphone.
Elle en avait un, je l’avais repéré sur le buffet.
Comme je tournais les talons et que je me dirigeais vers l’appareil, elle se mit à m’invectiver et me lança quelque chose. Je crois que c’était une chaussure. Elle me toucha à l’épaule, mais sans me faire mal. Je décrochai le combiné, je composai le numéro de Tinter et j’appelai mon agent de New York en PCV.
Cela sonna à n’en plus finir. Il n’y avait personne là-bas. Pas même son répondeur. C’était bien étrange et fichtrement mal commode.
Je l’apercevais dans la glace, qui me regardait dans un silence outragé, la couverture enroulée autour d’elle comme une élégante robe moderne. Comme tout cela était pitoyable, pitoyable jusqu’au bout.
J’appelai Paris. De nouveau cela sonna et sonna, mais j’entendis enfin la voix familière de mon agent tiré de son sommeil. Je lui expliquai rapidement en français que j’étais à Georgetown, que j’avais besoin de vingt mille dollars, non, mieux valait en envoyer trente et qu’il me les fallait tout de suite. Il m’expliqua que c’était à peine l’aube à Paris. Qu’il devrait attendre l’ouverture des banques, mais il me câblerait l’argent sitôt que possible. Peut-être serait-il midi à Georgetown avant que l’argent ne me parvienne. Je notai dans ma mémoire le nom de l’agence où je devais aller le chercher, et je l’implorai d’être prompt et de s’en occuper sans tarder. C’était une urgence, j’étais sans le sou. J’avais des obligations. Il m’assura que tout serait réglé immédiatement. Je raccrochai.
Elle me dévisageait. Je ne pense pas qu’elle avait compris la conversation. Elle ne parlait pas français.
« Je me souviendrai de vous, dis-je. Je vous en prie, pardonnez-moi. Je vais partir maintenant. Je vous ai causé assez d’ennuis. »
Elle ne répondit rien. Je la regardai longuement, essayant pour la dernière fois de sonder ce mystère. Pourquoi elle avait l’air si vulgaire et si peu intéressante. D’où regardais-je donc autrefois la vie pour qu’elle me parût si belle, pleine de créatures qui étaient autant de variations sur le même thème magnifique ? Même James avait une sinistre beauté étincelante comme un gros insecte ou un moustique.
« Adieu, ma chère, dis-je. Je suis navré… vraiment navré. »
Je trouvai Mojo assis patiemment devant l’appartement et je passai devant lui en courant, claquant des doigts pour qu’il me suive, ce qu’il fit aussitôt. Et nous dévalâmes l’escalier pour sortir dans la nuit glacée.
Malgré le vent qui s’engouffrait dans la cuisine et qui s’insinuait par la porte de la salle à manger, il faisait encore chaud dans les autres pièces de l’hôtel particulier. De l’air chaud soufflait des petites grilles en cuivre du parquet. C’était bien aimable à James de ne pas avoir coupé le chauffage, me dis-je. Mais ne compte-t-il pas quitter cet endroit sitôt qu’il aura les vingt millions de dollars ? La facture ne sera jamais payée.
Je montai à l’étage et traversai la chambre de maître pour gagner la salle de bains. Une pièce agréable au carrelage blanc tout neuf, aux miroirs sans une tache et à la cabine de douche aux portes vitrées étincelantes. J’essayai l’eau. Chaude et abondante. Délicieusement chaude. Je me dépouillai de tous mes vêtements humides et malodorants, posant les chaussettes sur la bouche de chaleur et pliant soigneusement le chandail, car c’était le seul que je possédais, puis je restai un long moment sous la douche brûlante.
La tête appuyée contre le carrelage, j’aurais fort bien pu m’endormir debout. Mais là-dessus je me mis à pleurer et puis, tout aussi spontanément, à tousser. Je ressentais une vive brûlure à la poitrine et la même au fond du nez.
Je finis par sortir, par m’essuyer et j’examinai de nouveau dans le miroir ce corps qui était le mien. Je n’y distinguai pas un défaut, pas une cicatrice. Les bras étaient puissants mais harmonieusement musclés, comme le torse. Les jambes étaient bien tournées. Le masque était vraiment beau, la peau sombre proche de la perfection, même si rien ne restait là du jeune garçon, pas plus que sur mon propre visage. C’était un vrai visage d’homme : rectangulaire, un peu dur, mais joli, très joli, peut-être à cause des grands yeux. Il avait aussi une certaine rudesse. Sa barbe poussait. Il me faudrait me raser. Quel ennui.
« Vraiment, dis-je tout haut, ce devrait être magnifique. Tu as le corps d’un garçon de vingt-six ans en parfaite condition. Pourtant ça a été un cauchemar. Tu as commis erreur sur erreur. Pourquoi n’es-tu pas à la hauteur de ce défi ? Où sont donc ta volonté et ta force ? »
Je me sentis frissonner. Mojo s’était endormi sur le sol au pied du lit. Voilà ce que je devrais faire, dormir, pensai-je. Dormir comme un mortel et, quand je m’éveillerai, la lumière du jour entrera dans cette chambre. Même si le ciel est gris, ce sera merveilleux. Ce sera le jour. Tu verras le monde diurne comme tu rêves de le voir depuis tant d’années. Oublie toute cette lutte sans fin, ces vétilles et cette crainte.
Cependant un terrible soupçon m’envahissait. Ma vie de mortel n’avait-elle pas été qu’une lutte sans fin, des vétilles et de la peur ? N’en allait-il pas ainsi pour la plupart des mortels ? N’était-ce pas cela le message d’une cohorte d’écrivains et de poètes modernes : que nous gaspillions notre vie dans de stupides préoccupations. Tout cela n’était-il qu’un épouvantable cliché ?
J’étais profondément ébranlé. Je m’efforçai de discuter une fois de plus avec moi-même, comme je l’avais toujours fait. Mais à quoi bon ?
C’était terrible d’être dans ce corps humain si maladroit ! C’était terrible d’être privé de mes pouvoirs surnaturels. Et le monde, à bien y regarder, était terne ou consternant, élimé sur les bords et cabossé de toutes parts. Allons donc, c’était à peine si je pouvais le distinguer. Quel monde ?
Ah ! mais demain ! Oh ! Seigneur, encore un affreux cliché ! Je me mis à rire et je fus pris d’une nouvelle quinte de toux. Cette fois la douleur était dans ma gorge, fort vive, et j’avais les yeux qui pleuraient. Mieux valait dormir, me reposer pour me préparer à mon unique et précieuse journée.
J’éteignis la lampe et je tirai les couvertures du lit. Les draps étaient propres, j’en remerciai le ciel. Je posai la tête sur l’oreiller de duvet, ramenai mes genoux contre ma poitrine, remontai les couvertures jusqu’à mon menton et m’endormis. J’eus la vague pensée que si la maison brûlait, je mourrais. Si des fumées toxiques sortaient des bouches de chaleur, je mourrais. Quelqu’un d’ailleurs pourrait fort bien entrer par la porte de derrière grande ouverte pour me tuer. En fait, toutes sortes de désastres étaient possibles. Mais Mojo était là, n’est-ce pas ? Et j’étais fatigué, si fatigué !
Des heures plus tard, je m’éveillai.
Je toussais avec violence et j’avais terriblement froid. Ayant besoin d’un mouchoir, je trouvai une boîte de serviettes en papier qui feraient l’affaire et je me mouchai peut-être une centaine de fois. Puis, ayant retrouvé la faculté de respirer, je retombai dans un étrange et fébrile épuisement, avec l’impression trompeuse que je flottais alors que j’étais bien allongé sur le lit.
Rien qu’un rhume de mortel, me dis-je. Voilà ce que c’était d’avoir ainsi pris froid. Cela va gâcher les choses, mais c’est une expérience aussi, une expérience que je dois poursuivre.
Quand je m’éveillai de nouveau, le chien était planté auprès du lit et me léchait le visage. Je tendis la main, tâtai son museau poilu et je me mis à rire, puis la toux me reprit, j’avais la gorge en feu et je me rendis compte que je toussais sans doute depuis quelque temps.
La lumière était terriblement vive. Merveilleusement vive. Dieu soit loué ! une lampe qui brillait enfin dans ce monde obscur. Je m’assis dans mon lit. Quelques instants je restai trop étourdi pour comprendre ce que je voyais.
Le ciel en haut des fenêtres était d’un bleu parfait, vibrant, et la lumière du soleil se déversait sur les parquets bien astiqués, le monde tout entier brillait de toute sa gloire : les branches nues des arbres avec leurs blanches garnitures de givre, le toit couvert de neige en face et la chambre elle-même, pleine de blancheur et de couleurs étincelantes, la lumière se reflétant sur le miroir, sur les flacons de cristal de la coiffeuse, sur le bouton de cuivre de la porte de la salle de bains.
« Mon Dieu, regarde cela, Mojo », murmurai-je en repoussant les couvertures et en me précipitant vers la fenêtre que j’ouvris toute grande. L’air froid me frappa, mais qu’importait ? Regarde la couleur profonde du ciel, les nuages blancs qui voyagent là-haut vers l’ouest, le vert somptueux du grand sapin dans la cour voisine.
Je me pris soudain à sangloter sans pouvoir me maîtriser et je fus de nouveau secoué d’une toux douloureuse.
« C’est un miracle », murmurai-je. Mojo me poussa de son museau avec un petit gémissement aigu. Peu importait les maux et les souffrances des mortels. Voilà que s’accomplissait la promesse biblique que j’attendais depuis deux cents ans.